À partir de cartes topographiques et bathymétriques, TALARMOR renouvelle l’analyse des toponymes bretons marqueurs de sites archéologiques submergés le long du littoral armoricain. Ces toponymes ont été relevés en grande partie lors d’enquêtes orales auprès des derniers locuteurs natifs du breton. Ils sont issus d’une observation fine et intergénérationnelle du littoral et sont d’une valeur inestimable pour la compréhension des procédés cognitifs en œuvre dans l’appréhension des écosystèmes côtiers. Plusieurs toponymes proviennent aussi des cartes marines et des cadastres.
Afin de valoriser ces données, il s’agit d’établir d’une part un examen linguistique comparé des toponymes bretons en utilisant toutes les sources lexicales disponibles ; d’autre part, il s’agit d’étudier leur concordance avec les résultats des travaux archéologiques entrepris sur les structures côtières immergées ou semi-immergées, en tenant compte de la submersion progressive de ces vestiges au cours du temps liée à l’élévation du niveau marin depuis le Néolithique.
Les relevés topographiques et bathymétriques Lidar du projet Litto3D® menés par le SHOM (Service Hydrographique et Océanographique de la Marine) ont permis une détection des vestiges archéologiques submergés le long des côtes finistériennes. Cela concerne notamment de nombreux barrages en pierres utilisés comme pièges à poissons construits sur l’estran. Le logiciel Chronoe a été élaboré à l’IUEM pour dater ces structures dont les plus anciennes remontent au début du Néolithique (6000-4000 av. J.-C.).
Ces barrages sont généralement repérés par le toponyme breton gored/kored ‘barrage, pêcherie’ ou kae ‘digue de pierres’. À proximité de ces constructions, d’autres toponymes bretons confirment l’hypothèse d’une occupation humaine ancienne de ces sites : peulvan ‘pierre dressée’, menhir ‘pierre dressée’, lia-vaen ‘longue pierre plate’, karn ‘tertre de pierres’, krugell ‘tumulus, tombe’. Près de 700 barrages ont été localisés et renseignés du point de vue de leur profondeur dans le Finistère. Ils ne sont que la partie émergée d’un plus vaste ensemble de sites.
Recouverts par les algues, démantelés par les courants ou partiellement détruits par l’Homme, certains sites sont indétectables par la visualisation Litto3D® ou les images satellites, mais ils demeurent encore repérables grâce aux noms de lieux côtiers. Cette méthode implique un constant va-et-vient entre les sources toponymiques, les observations in situ, le survol en drone et la télédétection. L’ensemble des toponymes nautiques bretons inventoriés sera attentivement examiné afin de géolocaliser les sites archéologiques potentiels. Les informations réunies par TALARMOR constitueront une base de données toponymiques et archéologiques géoréférencées et cartographiées.
Le SHOM vient de rendre accessibles les données Litto3D® des départements du Morbihan et de la Manche. À moyen terme, l’intégralité du littoral depuis le sud de la Bretagne jusqu’à la Belgique pourra être à son tour étudiée. Cette perspective autorise des études innovantes concernant les contacts linguistiques et culturels entre les aires celtique, romane et anglo-germanique du littoral ouest-européen.