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Terrain sur Miquelon, Semaine 18 : du lundi 02 mai au vendredi 06 mai 2022

Equipe composée de Marie Cormier (PIIRESS), Gilles Durbet (Inrap), Clément Féliu (Inrap), Benjamin Fores (Inrap), Marc Gransar (Inrap), Alexandre Hublard (DTAM), Yvan Pailler (Inrap/UBO), Maxime Pallarès (Inrap), François-Xavier Simon (Inrap).

L’équipe s’est étoffée cette semaine avec l’arrivée de trois archéologues et de deux géophysiciens de l’Inrap (fig. 1). Nous avons également pu compter sur l’appui technique de la DTAM pour le pilotage du drone et l’aide logistique de la PIIRESS.

Fig. 1. Réunion de l’équipe à Miquelon (photo M. Cormier).

En début de semaine, deux personnes ont consacré une journée à obtenir les autorisations de prospecter les 130 parcelles concernées par les recherches archéologiques. Cette opération, réalisée en mairie de Miquelon, a rencontré un vif succès puisque seuls deux propriétaires ont refusé que nous entrions dans leur terrain (fig. 2a). Par ailleurs la collectivité territoriale et la mairie nous ont donné toute liberté pour travailler sur leurs parcelles. Nous tenons à remercier les habitants de l’île pour leur collaboration et leur intérêt dans les recherches que nous menons.

Fig. 2 : a. Carte des parcelles concernées par les prospections ; b. Carte des parcelles déjà prospectées au 07/05/22 (DAO C. Féliu).

Certains secteurs au Fond de l’Anse et au sud du Goulet ont été arpentés mais du fait d’une végétation très dense il est difficile d’y observer des vestiges archéologiques somme toute assez discrets (fig. 2b).

Méthodologie

Fig. 3. Carte des secteurs ; en vignette, zones de concentration de mobilier repérées (DAO C. Féliu).[1]

Des prospections selon un maillage serré ont été réalisées en plusieurs endroits de Miquelon durant la semaine (fig. 3). 

Fig. 4. Implantation de fanions pour marquer la présence de chaque artefact (photo Y. Pailler).

L’implantation de fanions de couleur permet de matérialiser chaque découverte de mobilier (fig. 4) qui est ensuite pointée au DGPS. Ces points seront prochainement intégrés dans le Système d’Information Géographique (SIG) et permettront de générer des cartes. S’en suit le ramassage des objets par secteur et type de mobilier (métal, brique, verre, céramique, etc.). Ce dernier fera l’objet, dès qu’il sera nettoyé, d’une détermination par une spécialiste (F. Ravoire, Inrap).

Après implantation des cibles nécessaires au géoréférencement des photos, le survol en drone de tout le secteur allant du Goulet à l’Etang de la Pointe a été effectué dans de bonnes conditions. Le Modèle Numérique d’Elévation (MNE) permet de faire ressortir notamment les structures en élévation (éléments de parcellaire, plateforme) et en creux (carrière, fosse).

Les prospections géophysiques ont commencé le mardi ; 5 zones ont été testées avec trois méthodes géophysiques différentes : la méthode radar-sol qui permet de repérer d’anciens empierrements, la méthode magnétique qui permet de repérer des structures creusées (fossés, fosses) et des matériaux magnétiques (fer, brique et autre terre cuite et roche volcanique) et la méthode électromagnétique qui permet en complément de la méthode magnétique de discriminer les éléments en fer et les éléments en terre cuite. Les zones étudiées ont été sélectionnées sur la base des observations de terrain réalisées par les archéologues.

Il faut également noter que les deux stations RGP de Miquelon et Saint-Pierre étant en panne, l’acquisition des données en continue avec un positionnement GPS centimétrique n’a pas été possible, ce qui a fortement ralenti la progression de la prospection. L’ensemble des acquisitions de cette première semaine ont été réalisées selon des carroyages devant être implantés au préalable. Une intervention sur la station de Saint-Pierre est prévue lundi 9 mai. Sa réparation permettrait une acquisition plus rapide et efficace, notamment sur les terrains où de nombreux obstacles sont présents.

  1. Secteur de Roche à Laralde et Roche à Biche

Cette occupation connue de longue date a fait l’objet de prospections et de sondages dans les années 2000 sous la responsabilité d’A.-L. Martinot (2009).

Au sud de la route, la végétation dense atteint 80 cm de hauteur ce qui ne facilite pas le repérage de structures archéologiques. Il est également difficile de différencier de possibles structures archéologiques (plateformes, talus) avec les affleurements ou des barres rocheuses.

Pour pallier l’absence de positionnement en temps réel, les géophysiciens ont implanté un carroyage et ont réalisé des tests au géoradar ainsi qu’avec la méthode magnétique et la méthode électro­magnétique (EM) sur du parcellaire (talus et champs) et une possible structure d’habitat (fig. 5). Malheureusement, le traitement de ces données ne fait pas ressortir clairement les structures, probablement du fait du magnétisme du substrat. Dans ce secteur les trois méthodes ont été mises en œuvres. Les méthodes magnétique et électromagnétique ont mis en évidence la présence de roches magnétiques dans ce secteur. On observe une assez bonne corrélation entre susceptibilité magnétique et anomalie magnétique sans qu’aucune structure archéologique ne soit visible. La méthode radar n’a pas non plus permis de mettre en évidence d’empierrements sous les micro-reliefs observés sur le terrain bien que le signal radar soit de bonne qualité.

Fig. 5. Acquisition de données avec la méthode magnétique à l’Anse à Biche (photo F.-X. Simon).

  • Au nord du Grand Etang, au sud de l’aérodrome

La rive nord du Grand Etang n’a livré aucun artefact. Une grande partie de la Plaine de Miquelon, depuis le calvaire jusqu’au Grand Etang, est composée de rides concentriques qui correspondent à d’anciens cordons de galets et des dépôts de sables successifs (fig. 6). Ces accumulations de matériaux sédimentaires ont donc permis la constitution de l’isthme de Miquelon. Au Nord-Ouest du Grand Etang, le terrain est composé de dunes de sable végétalisées qui ne laissent apparaître aucun vestige en surface.

Fig. 6. L’implantation de la barrière suit le relief des anciens cordons de galets (photo M. Gransar).

En revanche, dans une petite parcelle en herbe, différents artefacts (briques, verre, faïence) ont été mis au jour dans des ornières de camions. Ce secteur (zone 4) a fait l’objet d’une attention particulière ; prospections fines, géolocalisation des objets et cartographie géophysique. Le matériel y est très fragmenté et les prospections magnétiques ne montrent aucune anomalie. Il est donc probable que les vestiges se trouvent en position secondaire et qu’il s’agisse d’une zone de remblais.

  • A l’ouest du Bourg actuel

Les prospections de surface, dans des parcelles cultivées, ont permis la reconnaissance de trois secteurs riches en mobilier (fig. 3). Les concentrations de mobilier sont caractérisées systématiquement par la présence de briques. D’autres artefacts comme de la faïence, des objets métalliques, du verre, des scories et du charbon de terre peuvent aussi être présents selon les stations repérées. Malheureusement, l’agriculture mécanisée a largement attaqué les niveaux archéologiques qui se trouvaient à quelques centimètres sous la terre végétale. La possibilité de découvrir des éléments en place dans ce secteur est quasi nulle.

Les géophysiciens ont dans un premier temps ciblé le secteur des deux terrains de football où J. Chapelot et al. (1982) avaient signalé autrefois des découvertes de briques et de possibles céramiques (fig. 7). D’ailleurs, J. De Lizaraga, propriétaire de la parcelle jouxtant au nord l’un des terrains, nous a signalé avoir découvert dans les années 1960 plusieurs tuyaux de pipe en terre dans son jardin

Les trois méthodes ont été testées sur le petit terrain situé le plus près du bourg. Aucune structure n’est visible. Le grand terrain situé à l’ouest a ensuite été prospecté avec la méthode magnétique. Seules des anomalies magnétiques fortes marquant la présence d’objets en fer sont visibles. Ces dernières ne révèlent pas d’organisation singulière. La méthode magnétique semble parasitée par la présence de nombreux restes métalliques ; seules apparaissent sur les données radars de fines stries parallèles qui pourraient correspondre à d’anciens sillons.

Fig. 7. Utilisation du radar sur le terrain de football (photo Y. Pailler).

Trois zones ont livré des concentrations de mobilier (fig. 8). Les zones 1 et 2 sont relativement modestes ; le matériel ne s’étendant que sur quelques dizaines de m2. En revanche, la zone 3 se développe sur près de 70 m.  Elle est située dans une zone déprimée entre deux levées de galets ce qui a contribué au piégeage du matériel. Elle se caractérise par une forte présence de briques dont certaines en bas de pente affleurent et paraissent en position primaire à l’horizontal. Par ailleurs, à proximité, une grosse concentration de scories et de charbons de terre a été mise en évidence. Ce site semble donc particulièrement intéressant car il pourrait correspondre à une activité liée au travail du métal (forge ?). Bien que les deux ne soient pas forcément associés, on peut aussi mentionner la présence, à proximité, de nombreux éclats et de fragments de moellons de trondhjémite. Les carrières de cette roche se trouvent à près d’un kilomètre au Nord-Ouest, au Cap Blanc. Il est possible que ces déchets de taille indiquent la présence d’un chantier de construction, à moins que ces moellons n’aient servi dans la réalisation de conduits de cheminée.

Fig. 8. En haut, carte de répartition des briques ; en bas, carte de répartition des fragments de trondhjémite (DAO C. Féliu).

Suite à la découverte de ces briques, scories et céramiques, une zone de 120 x 120 m a également été cartographiée avec la méthode magnétique. Les données magnétiques mettent en évidence des concentrations d’anomalies en lien avec les observations de terrain. On distingue ainsi une première zone fortement magnétique au sud-est et une zone de fortes perturbations magnétiques oblongue qui démarre au nord et se poursuit sur environ 80 m au nord. Cette cartographie a révélé un ensemble très hétérogène.

Fig. 9. A gauche, carte des anomalies magnétiques ; à droite, superposition de la cartographie magnétique et des briques repérées en prospection.

  • Secteur du Fond de l’Anse

Dans le secteur allant de l’est de la colline du Calvaire au sud du Cap de Miquelon, autour du Ruisseau de l’Anse, la végétation est très dense et ne favorise pas les observations. Néanmoins, près du Fond de l’Anse, en bord de route, une butte ovalaire est bien visible. En son milieu, une fosse rectangulaire a été creusée. Ce site avait déjà été repéré dans le cadre de l’exploitation du LiDAR par M. Le Doaré (2018).

La butte imposante mesure 33 m de longueur (N-S) et 25 m de largeur (E-O) pour près de 1,5 m de hauteur (fig. 10). L’excavation rectangulaire en son milieu mesure, quant à elle, 2,8 m de longueur sur 1,9 m de largeur pour 40 cm de profondeur. Au Nord-Est, une sorte de rampe surélevée semble avoir été aménagé. Il est vraisemblable que nous soyons face à une plateforme supportant une habitation et que la fosse correspond à une cave. Dans ce cas, la rampe serait un chemin d’accès au bâtiment.

Fig. 10. A gauche, vue de l’ouest de la grande plateforme ovalaire qui se situe à l’extrémité nord de l’anse de Miquelon ; à droite, l’excavation de forme rectangulaire en position centrale (photos Y. Pailler).

A 130 m au sud dans le jardin de la propriété d’A. et L. Jeancler, on observe une autre plateforme bien conservée au sein de laquelle est visible une légère dépression qui pourrait correspondre à une cave. A quelques mètres en retrait, des talus bas délimitent très vraisemblablement le jardin associé à cette habitation. Cette plateforme a été testée avec la méthode magnétique et la méthode radar. Les données radars ont permis de mettre en évidence l’empreinte d’un bâtiment rectangulaire (fig. 11) ainsi que de potentielles arases de murs et de tranchées de fondation. Sans révéler de structures nettes, la cartographie radar montre une organisation spatiale structurée. Les données magnétiques révèlent également une tranchée de fondation ainsi que des éléments magnétiques en fer ou en terre cuite (fig. 12).

Figure 11. Carte des anomalies radars (tranche 20-30 cm) sur la plateforme sud du Fond de l’Anse.

Figure 12. Carte des anomalies magnétiques (-20/20nT) sur la plateforme sud du Fond de l’Anse.

Précisons que ces deux plateformes sont implantées directement derrière le cordon de galets littoral et en bordure de la zone humide du Ruisseau de l’Anse. Sur la carte de Bellin (1763), deux habitations sont représentées au nord de l’anse et il est plausible que les deux sites repérés sur le terrain leur correspondent.

Suites à donner

La semaine prochaine, nous poursuivrons les prospections pédestres dans le secteur du Bourg et les zones érodées.

Les géophysiciens se concentreront sur la grande plateforme du Fond de l’Anse et tâcheront d’apporter quelques informations complémentaires dans le secteur de Roche à Biche et autour du ruisseau de Mirande (possible ferme).

Vendredi, le drone survolera une zone proche du Goulet, Roche à Laralde et Roche à Biche afin d’apporter quelques photos complémentaires ainsi que le secteur du fond de l’Anse pour y réaliser un MNE.

Bibliographie

CHAPELOT J, GEISTDOERFER A. et RIETH E. (1982) – Les Iles Saint-Pierre et Miquelon. Etude archéologique, historique et ethnographique. Tome I : Présentation générale, Tome II : Compte rendu du travail dans l’archipel et en métropole de 1979 à 1981, Paris, 1982, 246 et 102 p., 156 illustrations.

LE DOARE M. (2018) – Rapport de prospection Archéologique, Analyse des données par télédétection par LiDAR de l’archipel de Saint-Pierre et Miquelon, Sept.-Nov. 2018, SRA de Bretagne, 38 p. & fiches d’indexation non paginées.

MARTINOT A.-L. (2009) – Evaluation et enjeux : le potentiel archéologique de l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, Amérique du Nord, Rapport préliminaire de prospections et sondages du site de la Roche à la Biche, commune de Miquelon-Langlade, saison 2009, 114 p.


[1] L’indication en blanc des secteurs sur la vignette n’est pas vraiment lisible.